Le baril de rhum roule ses derniers milles nautiques vers la Guadeloupe. D’ici dimanche, il ne restera plus aucun voilier qui n’aura pas atteint sa destination dans cette course, parmi ceux qui n’ont pas abandonné en chemin bien entendu.
Cette descente vers les Antilles n’aura pas été de tout repos. Même pour les premiers arrivés, l’expérience a été difficile pour ne pas dire douloureuse pour certains. Au point où plus du tiers de la flotte a baissé pavillon devant une mer déchaînée en particulier dans le légendaire golfe de Gascogne. La météo et l’Atlantique en beau joualvert auront laissé des traces indélébiles sur la feuille de pointage de l’édition 2018 de la Route du Rhum. Ça fait beaucoup, beaucoup de déceptions…
Les Français passent à la caisse les premiers
La course aura été une affaire française. Et ceux que l’on n’attendait pas auront volé le show. Au premier chef, les Ultimes où le légendaire Francis Joyon se tenait en embuscade pour faire la passe du couteau à mastic à François Gabart. Profitant d’une casse du trimaran Macif, Joyon et IDEC se faufilent en triomphe. Même chose en IMOCA où Alex Thomson a ouvert la porte toute grande à Paul Meilhat qui ne pouvait rêver mieux.
La course au large est ainsi faite qu’il faut de tout pour espérer l’emporter. Une navigation parfaite, une condition physique hors de l’ordinaire, une météo favorable et une machine qui passe à travers et qui vous amène jusqu’au fil d’arrivée, et surtout, un slalom autour des fortunes de mer. Ceux qui l’ont emporté n’ont pas commis d’erreur ou très peu.
En Class 40 la hiérarchie a à peu près été respectée. Le tiercé gagnant formé de Richomme, Chapelier et Sharp étaient dans le top cinq des preneurs aux livres de Las Vegas. On a eu droit à une belle course avec de vraies belles confrontations entre l’élite de la classe. Déception cependant de voir qu’un nombre important de ces bateaux ont été contraints à l’abandon. Nous ne sommes pas les seuls à croire qu’un confrontation sur toute la longueur de la course avec certains bateaux rentrés au port aurait vraiment été quelque chose à voir.
Les bateaux en classe Rhum mono et multis étaient là pour nous faire rêver. C’est mission accomplie. Triste là aussi de voir qu’il y en a plusieurs qui ont abandonné ou ont été obligés de s’arrêter. Et quand vous faites une escale technique ou que vous retournez à votre point de départ, revenir au contact des leaders n’est jamais une mince affaire. La plupart du temps, le sort de votre course est scellé.
Moments forts de cette course que le départ de la flotte de Saint-Malo et puis l’arrivée de Francis Joyon à Pointe-à-Pitre sans doute. Moment triste que François Gabart avec son oiseau blessé. Mais surtout, le moment le plus sombre aura été la vue affligeante des débris de l’épave de Banque Populaire IX. La nature humaine est ainsi faite que cette image d’un splendide voilier complètement disloqué restera pour longtemps dans l’imaginaire collectif des amateurs de voile.
La Route du Rhum course fourre-tout?
Saint-Malo a fait face à un événement d’une ampleur pratiquement jamais vue. L’organisation du Vendée Globe était déjà quelque chose. Mais là, avec 123 bateaux sur les rangs, ça dépassait l’entendement. D’ailleurs, des voiliers, il y en avait trop. Certains bateaux de classe Rhum multi étaient des catamarans de série déguisés. Sincèrement, on se demande bien ce qu’il faisaient là. On se trompe ou à l’origine, la classe Rhum était destinée aux anciens voilier de course? Parce que cette classe est véritablement en passe de devinir un fourre-tout qui ne sera pas de nature à faciliter la compréhension de notre sport et qui dilue le produit. Faudra y repenser.
100k personnes par jour sur le site, c’est le stade de France rempli à capacité.
Et puis il faudra mieux gérer l’affluence sur un site dont la capacité d’accueil a été totalement saturée pour ne pas dire outrepassée. Il y avait des ennuis majeurs de fluidité. Pas de taxis en quantité suffisante, manque d’autobus, des trains dangereusement bondés. On avait de toute évidence pas prévu une telle marée humaine.
Du service svp quitte à payer pour
Le signal wi-fi était aussi dysfonctionnel et il manquait de commodités. On servait du café filtre dans des gobelets à espresso. Le bar était gratuit mais les limitations imposées, on se dit qu’on aurait bien payé pour avoir mieux. Pour les journalistes qui devaient aller se chercher à manger sur le site, il fallait faire les interminables files d’attente avant d’être servi. Il ne faut pas oublier qu’il y a sur un tel site deux types de personnes: Celles qui sont là pour visiter et puis les autres, les bénévoles, ceux qui travaillent et ont des échéanciers. À la décharge de l’organisation, il importe de mentionner que nos cousins Français sont en plan Vigie-Pirate depuis plusieurs mois en raison des menaces terroristes qui continuent de planer sur leur pays. C’est là un état de fait qui complique drôlement les affaires.
Le manque de bateaux pour assister au départ est par contre aussi incompréhensible qu’inacceptable. Tout comme cette zone d’exclusion qui a gardé le public tellement loin des coureurs, que le Cap Fréhel offrait une meilleure vue. Le prix de plusieurs embarquements était carrément usuraire. C’est à proprement parler scandaleux.
Bien que de façon générale, les organisateurs de la Route du Rhum peuvent dire mission accomplie, il n’en demeure pas moins qu’une réflexion s’impose pour améliorer la gestion de l’événement, le traitement des prestataires de services et l’affluence. Bref, comme dans n’importe quelle organisation de ce genre, le diable est dans les satanés petits détails emmerdants. Mais y aller valait amplement le coup et si c’était à refaire, on y retournerait.
Il reste en ce moment trois gladiateurs de la mer qui se dirigent vers la Guadeloupe. Il faut saluer d’un grand coup de chapeau Christophe Souchaud (Rhum Solitaire Cap Handi), Éric Bélion (Comme un seul Homme) et Loïck LeDoyen (St Cast Le Guildo Terre Exotique). Des gars qui ont refusé de lâcher prise et qui on résolument décidé d’aller jusqu’au bout. Souchaud se trouve à Basse-Terre Il est attendu cet après-midi à Pointe-à-Pitre. Bélion en a encore pour plus de 300 milles encore tandis que LeDoyen devra se taper plus de 440 mille avant de savourer le ti-punch. Messieurs, on pense à vous et on lève notre verre de rhum à votre santé. Comme on dit chez nous, “vous êtes des vrais”.